Après la réélection d'Emmanuel Macron le 24 avril dernier, et la nomination de la première ministre Elisabeth Borne pour former un gouvernement le 16 mai, la composition du nouveau gouvernement a finalement été annoncée vendredi dernier, près d'un mois après le second tour.
Les passations de pouvoir se sont déroulées le soir même. Au ministère de l'enseignement supérieur et de le recherche, Frédérique Vidal, aux manettes depuis 2017 - soit toute la durée du mandat - confiait les rennes à Sylvie Retailleau. Cette dernière participera ainsi à son tout premier conseil des ministres demain lundi, à la tête du 11e portefeuille ministériel dans l'ordre protocolaire.

Mais qui est Sylvie Retailleau, quel est son parcours ?
Son nom est très connu des cercles universitaires, mais peu connu du grand public. Emmanuel Macron et Elisabeth Borne ont effectivement fait le choix, de nouveau, de nommer à ce poste une présidente d'université et enseignante-chercheuse connue dans la communauté, comme l'était Frédérique Vidal.
Sylvie Retailleau est une "femme de terrain" du domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, physicienne surdiplômée au parcours brillant, ayant fait le choix de s'impliquer dans des responsabilités de gouvernance des universités.
Agrégée de sciences physiques de l'Ecole normale supérieure de Cachan, elle obtient ensuite un doctorat en microélectronique de ce qui était alors, en 1992, l'université Paris-Sud (aujourd'hui disparue au profit de l'université Paris-Saclay). Elle réussit le concours de maître de conférences dès 1992 dans cette même université, puis gravit les échelons du professorat. Elle s'implique aussi bien dans le management de la recherche (en tant que cheffe d'équipe) que dans la pédagogie, en tant que responsable de master puis vice-doyenne de sa faculté, en charge de la formation.
Devenue professeure de classe exceptionnelle en 2011, elle prend la tête de la faculté des sciences d'Orsay, composante de son université, en 2011 avant d'accéder en 2016 à la présidence de l'université Paris-Sud. Elle s'implique aussi dans la formation continue des ingénieurs dans son domaine, la microélectronique (en tant que directrice du Pôle Microélectronique du centre national pour la formation en micro et nanoélectronique entre 2004 et 2016).
Les prises de responsabilités ne s'arrêtent pas là, puisque Sylvie Retailleau prend en 2019 la présidence de la Communauté d'universités "Université Paris Saclay" avant de devenir présidente de la nouvelle Université Paris-Saclay créée le 1er janvier 2020.
Sylvie Retailleau aura ainsi connu les responsabilités de terrain sur le plan de la formation (initiale, continue) et de la vie étudiante, comme de la recherche. Elle a expérimenté de près les évolutions récentes de l'enseignement supérieur, et notamment piloté la création d'une université - Paris-Saclay intégrant des composantes de prestige et historiquement indépendantes telles que l'Ecole normale supérieure de Cachan (devenue ENS Paris-Saclay), CentraleSupéléc ou AgroParisTech.
Au-delà des récompenses et des responsabilités académiques, les mérites de cette niçoise de 57 ans ont été reconnus à plusieurs reprises, lorsqu'elle est faite Chevalier de légion d'honneur en 2013, et Officier de l'ordre national du mérite en 2018. A 57 ans, elle a connu ainsi une carrière ascensionnelle, qui l'a mène presque naturellement aux fonctions de ministre.
Une université portée au sommet ?
L'Université Paris-Saclay, située au sud de Paris, a grandement bénéficié des regroupements opérés en sa faveur, en terme de notoriété académique, notamment internationale. Ayant intégré des écoles prestigieuses en son sein, l'université a fait un saut spectaculaire dans les classements internationaux en 2021, et s'est notamment hissée à la 13e place mondiale des universités de recherche intensive, dans le classement dit "de Shanghaï" (quand Paris-Sud était à la 37e place avant sa dissolution, place déjà honorable) et à la 1ère place française.
Hyperactive pour la promotion des universités dans le paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche en France, Sylvie Retailleau aura largement contribué aux évolutions de Paris-Sud jusqu'à sa fusion en 2020 ayant abouti à la création d'un "mastodonte" comme certains l'appellent, dont l'expansion ne s'arrêtera pas là (de nouvelles absorptions étant prévues à horizon 2025). Ce mastodonte excelle sur le plan de la recherche, et forme aussi 48 000 étudiants, ce qui le place au rang des universités de grande taille, aux côtés d'Aix-Marseille Université (près de 80 000 étudiants), de l'Université de Lille (environ 72 000 étudiants) et de l'Université de Strasbourg (près de 57 000 étudiants) par exemple.
Et sur le plan scientifique ?
Sur le plan scientifique, Sylvie Retailleau peut se targuer d'avoir co-signé plus de 130 articles et supervisé 11 thèses, tout en s'impliquant sur le plan pédagogique.
Ses présentations officielles variées indiquent que ses recherches portent sur "l'étude théorique de la physique des composants semi-conducteurs pour l’électronique avancée." (présentation sur le site de l'ENS Paris-Saclay).
Un profil similaire à celui de sa prédecesseure Frédérique Vidal ?
Les deux ministres partagent une même profession, celle de professeur des universités, et toutes deux du côté des "sciences dures", l'une étant biochimiste, l'autre physicienne. Elles partagent également leur élection en tant que présidente d'universités prestigieuses, labellisées "Initiatives d'excellence", l'Université Nice-Sophia-Antipolis pour Frédéric Vidal (2012-2017 - université devenue depuis l'Université Côte d'Azur), et l'Université Paris-Saclay pour Sylvie Retailleau (2020 à aujourd'hui). Elles partagent par conséquent d'avoir connu, de l'intérieur, et en tant qu'actrices de premier plan, les évolutions récentes de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Aux yeux du grand public, elles sont "issues de la société civile", c'est à dire qu'elles n'ont pas eu de carrière politique, et ne prétendent peut-être pas s'y consacrer pour longtemps. L'histoire nous le dira. Elles ont en tous cas accepté de mettre leur expertise du secteur du supérieur au service de la politique nationale.
La nomination de Sylvie Retailleau est accueillie, comme celle de Frédérique Vidal en 2017, positivement par les dirigeants de l'enseignement supérieur. France Universités (association regroupant les dirigeants de l'enseignement supérieur) l'en a félicité, ainsi que ses collègues François Germinet, président de Cergy Paris Université et Gilles Roussel, président de l’université Gustave-Eiffel, qui ont salué une "bonne nouvelle" selon un article de Libération. La communauté des enseignants-chercheurs est probablement rassurée de voir l'un des leurs accéder à cette fonction.
Ces deux dernières décennies, l'enseignement supérieur et la recherche ont tantôt été pilotés par un secrétaire d'Etat, un ministre délégué ou un ministre de plein exercice. Ce dernier cas de figure a été le choix des gouvernements sous la présidence d'Emmanuel Macron depuis 2017. Mais ils ont en tous cas rarement été gouvernés par un acteur de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cela a déjà été le cas de Frédérique Vidal, mais n'était pas le cas de tous ses prédécesseurs, Thierry Mandon et Geneviève Fioraso sous la présidence de François Hollande, ou Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et François Goulard sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
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