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"On a abandonné l’idée d’aller chez le pédiatre" : la galère des parents dans les déserts médicaux

Tous les Français ne sont pas égaux devant un rhume ou un mal de dos. C'est le constat qui ressort une nouvelle fois de la carte interactive de la fracture sanitaire publiée ce mardi par l’UFC-Que choisir. Le constat de l'association de consommateurs est sans appel : hors des grands centres urbains et des services hospitaliers, difficile pour les Français d’avoir accès à un spécialiste de santé à moins de 45 min de trajet. Le bilan se confirme plus particulièrement pour les pédiatres, médecins spécialistes des maladies infantiles : selon l’association de consommateurs, plus d’un enfant sur quatre (27,5 %) vit dans un désert médical pédiatrique. Si l’on exclut les praticiens exerçant des dépassements d’honoraires, le chiffre passe même à près d’un enfant sur deux (46,8%). 

Cette situation, les habitants de Vallouise la connaissent bien. Avec trois médecins généralistes pour 1150 habitants, ce petit village des Hautes-Alpes est plutôt bien loti. Mais en cas de besoin plus spécifique, les Vallouisiens doivent se rabattre sur le service de pédiatrie de l’hôpital de Briançon, à une demi-heure de trajet. Le premier pédiatre de ville, lui, se situe à Gap, préfecture du département, à plus d’une heure de voiture en cas de beau temps. “En tant que parents, on a vite abandonné l’idée d’aller chez le pédiatre, avoue Alice Granet, Vallouisienne de naissance et maman d’Agathe, 10 ans. Ça ne nous a pas trop gênés parce que ma fille n’a pas eu de graves problèmes de santé, mais si ça avait été le cas…”

Son amie Axelle van der Bemen, elle, a été dans cette situation. C’est d’ailleurs une des raisons qui l’a poussée à quitter le village voisin de Pelvoux, après y avoir vécu cinq ans. Maman de Maëlle, souffrant d’un retard de développement, elle se rappelle d’une période pleine de difficultés. “À l’époque, Maëlle était suivie dans le service des maladies rares de la Timone à Marseille [à plus de 3h de route, ndlr]. Au départ, on ne nous avait même pas dit qu’on avait le droit à se faire rembourser le taxi. Les allers-retour étaient éprouvants.” Rapidement, elle aussi fait suivre sa fille par le généraliste de Vallouise, pour ne pas ajouter aux difficultés. Mais le manque d’autres spécialistes se fait rapidement sentir. “J’en avais assez de devoir tout faire moi-même : les soins, la prise en charge… C’est du non-stop. J’ai même fait des formations d’orthophonie pour aider ma fille. C’est presque un boulot à plein temps. Et encore, moi, je suis kiné, je suis avantagée ! À force, on devient spécialistes de nos enfants”, raconte la trentenaire. 

Libérer du temps de travail

Une situation qui n’étonne pas Andreas Werner, président de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA). “Ce manque de pédiatres n’est pas quelque chose de nouveau. Déjà, quand la France était championne européenne de la natalité, le nombre de pédiatres par enfant était inférieur à des pays comme l’Espagne ou l’Italie. Ça fait 20 ans qu’on tire la sonnette d’alarme !”, s’insurge le pédiatre allemand, établi en France depuis 1998. Alors que, dans un contexte post-Covid-19, la France connaît sa deuxième épidémie de bronchiolite en deux ans, le problème se fait de plus en plus pressant. 

Pour le médecin, s’il faut bien sûr renforcer l’attractivité de la profession pour assurer une relève, il est d’abord impératif d’agir à court terme. Dans l’immédiat, la priorité est de libérer du temps de travail pour les pédiatres. “En cabinet, sur 20 minutes de pédiatrie, il y a 10 minutes de médecine. Autour de la consultation, il faut déshabiller le gamin, faire son certificat, encaisser le patient, rhabiller le gamin…”, énumère Andreas Werner, qui réclame davantage de moyens pour pouvoir embaucher des puéricultrices et des secrétaires médicaux. 

Face à la grogne, le gouvernement a convenu d’une réunion hebdomadaire avec les acteurs du secteur, d’ici les Assises de la pédiatrie, prévues au printemps 2023. La première rencontre a eu lieu la semaine dernière. Le ministre de la Santé, François Braun, a annoncé une enveloppe de 400 millions d’euros pour aider les “services en tension de l’hôpital”, dont la pédiatrie. En revanche, aucune annonce n’a encore été faite pour les pédiatres libéraux. 

 

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