Rubrique
Analyse

Les entreprises au défi de l’intérêt général

La RSE en vérité, un défi quotidien pour les entreprises

« L’utilité sociale des entreprises sera la clé de la compétitivité », affirme la Harvard Business Review. Se comporter en entreprise citoyenne permettrait de mobiliser ses collaborateurs, d’entretenir un lien fort avec ses clients, d’avoir la confiance des investisseurs, de susciter la bienveillance de l’opinion et des pouvoirs publics... Le retour sur investissement des comportements vertueux serait même au rendez-vous, comme l’envisage Emery Jacquillat, PDG de la Camif, pour qui, « demain, les entreprises les plus profitables seront celles qui auront prouvé leur utilité ».  Depuis quelques années, d’ailleurs, le contexte législatif pousse dans ce sens.

De la compliance à la raison d’être…

Depuis 2016 et la loi anticorruption Sapin 2, la compliance a ainsi pris son essor en France. Une notion qui regroupe l’ensemble des processus destinés à assurer qu’une entreprise respecte les normes juridiques et éthiques : lutte contre la fraude ou le blanchiment, mais aussi protection des données personnelles, RSE, conditions de travail...

Avec la loi Pacte de 2019, les entreprises peuvent même intégrer dans leurs statuts « une raison d’être », une ambition d’intérêt général. « La lutte contre le réchauffement climatique et contre les inégalités doit faire partie des objectifs des entreprises », estime le ministre de l’Économie Bruno Le Maire. Mais pour qu’elle ne sonne pas comme une formule creuse, la raison d’être doit « nourrir le projet stratégique à long terme de l’entreprise », souligne la Harvard Business Revue

Le groupe Veolia est l’un des premiers à avoir défini sa raison d’être, sous l’impulsion de son PDG Antoine Frérot pour qui « une entreprise est prospère parce qu’elle est utile et non l’inverse ». « Contribuer au progrès humain, en s’inscrivant résolument dans les Objectifs de Développement Durable de l’ONU, afin de parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous » : telle a été la formulation retenue. Mais « la raison d’être ne se résume pas à un slogan, souligne Antoine Frérot. Il s’agit d’un cap qui a vocation à impacter l’ensemble de nos actions ».

Cette raison d’être a donc guidé l’élaboration du plan stratégique du groupe. Il faut dire que l’objet social de Veolia, centré sur l’eau, les déchets, l’énergie, s’y prête particulièrement. Ainsi l’entreprise souhaite apporter des solutions pour faciliter l’accès aux services essentiels et aux ressources naturelles, de préserver celles-ci, de les utiliser et de les recycler efficacement. 

Les critères environnementaux en première ligne

Avec ou sans raison d’être, l’intégration des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les projets et les investissements conduit les acteurs économiques à conjuguer leurs intérêts particuliers et l’intérêt général.

Chez Veolia, la raison d’être a servi de fondement à la définition de 18 critères de performance. Une « performance plurielle » qui met au même niveau d’attention et d’exigence les résultats commerciaux et financiers, et les performances environnementale, sociale et sociétale.

Selon cette logique, Veolia accélère ses activités qui permettent de réduire les émissions et la pollution, comme la gestion des déchets dangereux ou le recyclage du plastique. Les services d’efficacité énergétique, la valorisation des biodéchets, la gestion des eaux et des parcs industriels sont également identifiés comme des activités d’avenir. Le groupe a également ouvert récemment la première unité européenne de panneaux solaires. Veolia s’emploie aussi à optimiser, voire à réinventer, la gestion des eaux et des déchets, notamment en privilégiant l’innovation. Veolia a ainsi investi 66 M€ en R&D en 2021, en particulier dans des programmes liés à la transformation écologique.

Si le caractère directement lié à la préservation de l’environnement semble couler de source pour Veolia, c’est moins naturellement le cas pour le secteur du BTP, encore taxé récemment de 23 % des émissions GES en France. D’où un effort particulier des entreprises du secteur, motivées non seulement par des réglementations contraignantes, mais aussi par des clients toujours plus exigeants en la matière, comme dans le cas de la Société du Grand Paris (SGP) en charge du mégaprojet du Grand Paris Express (GPE), un réseau de mobilité durable qui va améliorer le quotidien de millions de Franciliens. « La réduction des émissions de CO2 induite à la mise en service du nouveau métro sera trois à cinq fois plus importante que les émissions générées par sa réalisation » précise ainsi Jean-François Monteils, président du directoire de la Société du Grand Paris.

Concrètement, la SGP demande de réduire de 25 % les émissions de CO2 liées à la construction du GPE. Et les prestataires s’y attèlent, comme Eiffage qui a posé, sur les lignes 16 et 17 du futur grand métro, les premiers rails 100 % bas carbone, conçus à partir de ferrailles recyclées. Eiffage Génie Civil a également développé un béton fibré bas carbone pour les voussoirs des tunnels du GPE – une première en France. En matière d’économie circulaire, Demcy, la filiale démolition du groupe, a déconstruit 530.000 tonnes de matériaux en 2021 et 97 % des déchets ont été orientés en recyclage, réutilisation ou réemploi.

Une utilité sociale qui se traduit sur le terrain

Des réalisations concrètes qui traduisent une vision qui est désormais celle de grands groupes de la taille d’Eiffage. « Au-delà de la performance économique, un groupe comme le nôtre se distinguera par son excellence en matière de responsabilité sociale et sociétale », estime ainsi Benoît de Ruffray, le PDG d’Eiffage. L’utilité sociale de l’entreprise est évidente : « tout ce que nous construisons, tunnel, pont, route, port, a une finalité humaine : le déplacement, le travail, le logement, bref, l’amélioration de la vie des gens », souligne Guillaume Sauvé, président d’Eiffage Génie Civil.

Pour le BTP, comme pour l’assainissement, il y a de fait une dimension locale incontournable, qui qui explique le rôle moteur de ces entreprises dans le dynamisme socio-économique des territoires.

Côté construction, cela se traduit notamment en matière d’emploi, les collectivités multipliant les clauses contractuelles pour réserver une part des travaux à des PME locales et à des personnes en insertion. Et les entreprises jouent le jeu, comme dans le cas du GPE, où Eiffage et Razel-Bec, sur un tronçon de la ligne 15 Sud, ont dépassé les objectifs de 20% de PME locales, et de 240 000 heures réservées à l’insertion, avec des embauches en CDI à la clé.

Côté assainissement, l’utilité sociale est à ce point évidente qu’elle se traduit en délégation de service public, comme lorsque la métropole bordelaise attribue à Veolia la gestion et la valorisation des déchets de 770.000 habitants. Une mission qui rend un service essentiel, tout en intégrant les exigences de circuits courts, puisque la valorisation énergétique des déchets servira à chauffer 34.000 logements et à alimenter 100.000 foyers en électricité, l’automatisation et l’intelligence artificielle permettant aussi d’anticiper les futures réglementations européennes.

Quand la qualité manque à l’appel, l’utilisé sociale n’y est pas non plus

Mais l’utilité sociale annoncée n’est pas toujours au rendez-vous. C’est par exemple le cas dans les télécoms pour le déploiement de la fibre optique, même si un énorme effort d’investissement public et privé a permis à notre pays d’être l’un des plus avancés d’Europe.

Si la quantité et la couverture ont progressé, les promesses de qualité n’ont pas été tenues et la réalité est loin des effets d’annonce. Mauvaise communication entre opérateurs d’infrastructures et opérateurs commerciaux, excès de sous-traitance, allant parfois jusqu’à sept ou huit rangs, techniciens mal formés et mal payés… Les défauts s’accumulent, au point d’émouvoir l’autorité de régulation des télécoms : « On ne peut pas imaginer avoir dépensé autant d’argent public et privé dans la fibre optique, avec autant d’espoir de progrès pour les citoyens, et avoir une telle déception d’usage après », regrette ainsi Laure de La Raudière, présidente de l’Arcep.

Pour certaines zones, cette opération, censée réduire la fracture numérique, vire au cauchemar. Utilisateurs débranchés, dégradation des armoires, déconnexions… L’insatisfaction est globale, avec jusqu’à 15 à 20% d’abonnés allant jusqu’à restituer le matériel de connexion.

Une des clés d’explication serait la recherche excessive de marge par les différents intervenants, qui s’expliquerait par la forte compétition marquant la phase de déploiement, et d’abord entre acteurs principaux. C’est ce qu’indique explicitement Ariel Turpin, délégué général de l’Avicca, l’association des collectivités pour le numérique : « Les opérateurs sont focalisés sur leur part de marché », non sans envisager des perspectives positives : « Et quand le marché sera stabilisé, ils vont s’intéresser à la qualité du réseau ».

Application Mobile

Téléchargez Encrage Media sur votre mobile pour ne pas manquer nos dernières publications !

Commentaires

Le contenu de ce champ sera maintenu privé et ne sera pas affiché publiquement.
Saisir les caractères affichés dans l'image.
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.